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fév 12

Atlantique Nord, bienvenue dans la cour des grands

Article écrit à Great Inagua le 8 février 2015

Nous partons de Santiago de Cuba le 5 février vers 17h. Depuis quelques jours je surveille la météo grâce aux fichiers grib que je peux télécharger avec notre téléphone satellite. Pour rappel un fichier grib c’est une carte météo du vent, de la mer, de la hauteur des vagues,… pour une période donnée sur une zone donnée.

C’est là que l’iridium prend toute son importance. Surtout à Cuba où l’internet est quasi inexistant, pas de téléphone satellite, pas de météo. Ou alors celle très succincte dont disposent les autorités cubaines sur leur boite mail et qu’ils veulent bien nous communiquer oralement à notre demande.

La navigation qui nous attend est assez complexe. Nous continuons notre route à l’Est en passant d’abord le long de la côte Sud de Cuba, généralement déventée (ou alors parcourue par un vent contraire ce qui est bien pire), passons devant Guantanamo et sortons de la mer des Caraïbes par le Windward passage, pour rejoindre l’Atlantique. Une fois le passage dans l’Atlantique réalisé, il nous faut remonter au Nord, Nord Est vers l’archipel des Turk et Caicos.

Nous avons environ 300 miles nautiques à parcourir ce qui nous faisait quelque chose comme 3 ou 4 jours de mer. Pour pouvoir sortir de la passe entre Haïti et Cuba il nous fallait un vent d’Est ou de Nord puis, pour pouvoir remonter, un vent d’Est. Je ne mentionne pas les vents d’Ouest et Sud qui sont anecdotiques dans ce secteur.

J’avais identifié le bon créneau: une absence de vent pendant 12h nous permettant de parcourir les 100 miles se cote cubaine au moteur, un vent de Nord nous permettant de dégager le passage en direction du Nord Est puis le vent tournant à l’Est, notre remontée devenait possible. La chronologie est très importante.

Les 24 premières heures se dont bien déroulées: pas de vent pendant 12h, un vent de Nord comme prévu mais, à la fin du premier jour je prend la météo et constate que le vent ne tourne plus Est mais Nord Est. Ce changement nous oblige à tirer des bords ce que nous commençons à faire. Cependant, ce que ne disaient pas les prévisions c’est qu’une grosse dépression s’est mise à faire souffler des vents de 30 noeuds en lieu et place des vents prévus à 20 noeuds. Bref, nous nous retrouvons le 7 février dans une mer forte avec certaines vagues qui dépassent les 2 mètres. Tout ceci contre le vent.

Nous sommes tous les 2 à la manoeuvre, il faut réduire le pus vite possible la surface de voile, s’adapter en permanence, permettre au bateau de passer correctement les vagues. Malgré ça rien n’y fait, le vent reste orienté au Nord Est et gagne en force. Nous venons de tomber dans un Northern, une cellule dépressionnaire de l’atlantique Nord qui apporte froid, vent et pluie en descendant.

Dans ce genre de moment, avec un équipage familial et un catamaran qui remonte très mal le vent, il n’y a qu’une chose à faire: changer la direction pour prendre le vent sur l’arrière du bateau et non plus sur l’avant. Heureusement, si nous opérons ce changement de cap, nous arrivons sur une île des Bahamas qui s’appelle Great Inagua. Nous n’avons pas prévu cette escale mais dans ces conditions… La côte Ouest de l’île nous fera un abris contre les vagues à minima puisque la hauteur de l’île n’arrêtera pas le vent.

Nous atteignons très rapidement cette escale de fortune. Notre changement de cap est immédiatement suivi par une  l’impression de fin de bataille à bord car le bateau se comporte beaucoup mieux, va plus vite et secoue moins. Ouf!  Malheureusement à l’arrivée il fait nuit et nous ne pouvons jeter l’ancre la nuit. S’en suit la nuit de “non navigation” la plus étrange de toute ma courte carrière ce capitaine. Nous devons garder le bateau à l’abri, en bougeant le moins possible pour aller jeter l’ancre sur la côte de l’île le matin au lever du jour. Nous mettons le bateau “à la cape” ce qui a pour effet de stopper son avancée sur l’eau. Cependant, avec les 15 à 20 noeuds de vent qui soufflent encore, nous dérivons à 1 nœud. Il nous faut donc plusieurs fois dans la nuit reprendre au moteur ce que la dérive nous a fait parcourir de distance. Au moins nous sommes à l’abri des vagues et avons une impression de grande sécurité après avoir affronté ces vagues de plusieurs mètres de haut pendant la journée. Nous sommes également à quelques centaines de mètres de la côte de Great Inagua, de son phare et ses lumières. Cela contribue à nous rassurer.

A l’heure où j’écris ces mots, nous sommes à l’ancre à Great Inagua. Nous n’avons pas choisi d’y débarquer officiellement car cela nous ferait payer le permis de navigation aux Bahamas pour une nuit (300 dollars!). Nous espérons ne pas avoir la visite des autorités avant de repartir mais avons tous les arguments pour leur expliquer notre arrêt salvateur sur leurs côtes.

Cet épisode que nous avons géré correctement même si cela n’exclue pas la fatigue et une certaine appréhension, nous rappelle que nous sommes maintenant en Atlantique et que la météo est moins prévisible, moins stable. Nous devons privilégier les courtes distances quand c’est possible pour partir avec les meilleures prévisions possibles sur tout le trajet. Depuis Cuba c’était impossible à réaliser mais à partir de maintenant nous allons prévoir nos navigations de la sorte. Nous pensons à ceux qui traversent l’Atlantique… Une fois parti, pas de refuge pendant 15 jours!

Cela conforte également la décision de ne pas remonter en Floride. Le retour vers l’Est risquant nous confronter avec ce type de météo sur des distances beaucoup plus longues.

On en vient à espérer revenir très vite dans l’arc antillais et les petites Antilles où nous attentent navigations courtes, météo des caraïbes bien prévisible, vent d’Est et navigation au portant. Nous y serons dans à peine 1 mois!

En attendant, demain un créneau météo semble se décider à nous emmener finalement jusqu’aux Turks et Caicos avec un vent d’Ouest (et oui!). Nous aurons eu 36h d’escale impromptue mais salutaire à Great Inagua pour digérer et récupérer de cette navigation difficile!

1 comment

  1. Claire

    Ouf! Je n’aurais pas aimé ça!

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